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L’histoire de l’endométriose (les causes et la recherche) 

L’endométriose est une maladie décrite depuis l’Antiquité, identifiée au XIXe siècle et très peu étudiée car jugée pendant très longtemps comme un problème féminin par le monde médical et scientifique, souvent rangée dans la psychiatrie.

En 1860, un médecin autrichien d’origine tchèque, Karel Von Rokitansky (1804-1878), identifie cette maladie sous le terme de cystosarcome. La maladie est alors décrite sous de nombreux noms avant 1927 où le terme endométriose est trouvé pour la désigner. Pendant 160 ans, l’endométriose reste méconnue et rarement enseignée. 

Les femmes atteintes d’endométriose ont souvent été traitées d’hystériques, parfois au point d’être internées en hôpital psychiatrique, ou tout simplement, décrédibilisées. Pourtant, les douleurs sont bien réelles et une partie émergée de la maladie, puisqu’il s’agit d’un symptôme parmi beaucoup d’autres de la maladie. Depuis quelques années, la maladie fait l’objet de plus d’attentions, notamment grâce à l’engagement des associations.

Petit résumé de l’histoire de l’endométriose
Résumé historique

Les premières mentions qui peuvent nous faire penser à l’endométriose datent de l’Egypte ancienne, il y a plus de 3000 ans.

En Grèce antique, des mentions sont faites, dans divers textes, de douleurs chez les femmes et relient les symptômes aux troubles des règles et à la grossesse.

 

Gallien, médecin grec du IIe-IIIe siècle ap. JC, n’est pas le premier à lier douleurs et problèmes psychiques chez les femmes mais il l’affirme avec autorité. Les textes de médecine grecque antique dont ceux de Gallien servent de base à l’émergence de la médecine à l’époque moderne.

 

Au XIXe siècle, l’idée que les femmes sont des hystériques est ainsi déjà bien ancrée et avec le développement de la psychiatrie, les femmes sont bien souvent reléguées en asile. Pourtant, à cette même époque, certains médecins et chercheurs connaissent déjà les symptômes de l’endométriose sans l’associer systématiquement à une maladie psychiatrique. 

 

Égypte ancienne : premières suspicions de l’existence de l’endométriose avec descriptions de douleurs

Grèce antique : Entre le IVe siècle av. JC et le IIIe siècle apr. JC, plusieurs mentions de symptômes de douleurs et de problèmes pendant le cycle menstruel dans le corpus hippocratique et dans des écrits d’hommes tels que Platon et Gallien.

Époque moderne (XVIe-XVIIIe siècle) : développement de la médecine et mise à l’écart progressive des guérisseuses et accoucheuses des problèmes de santé féminine.

XVIe siècle : Léonard de Vinci avance que la douleur est une sensation transmise par les nerfs.

XVIIe siècle : les troubles gynécologiques sont associés à des problèmes psychologiques et donc, pendant le siècle des chasses aux sorcières, au démon et à la sorcellerie.

1690 : publication de “L’ulcère de l’utérus” par un médecin allemand, Daniel Schrön, décrivant des symptômes suggérant de l’endométriose tels que les douleurs comme principal symptôme ou encore le caractère héréditaire de la maladie. 

1691 : Un an après la publication de Daniel Schrön, l’anatomiste hollandais Frederik  Ruysch amorce le début de l’hypothèse du reflux menstruel.

XIXe siècle : La mode du diagnostic de l’hystérie comme maladie psychiatrique féminine est à son paroxysme mais c’est aussi le siècle de quelques découvertes qui restent dans l’ombre.

1860 : Karel von Rokitansky découvre l’endométriose au microscope mais ne fait pas lien avec la maladie décrite sous de nombreux autres noms.

 

XXe siècle 

1908 : regroupement des différents noms utilisés pour la maladie sous le terme d’adénomyose

1927 : 

  • Première utilisation du mot endométriose pour désigner la maladie par John Sampson (1873-1946), chirurgien gynécologue américain.

  • Théorie de Sampson sur le reflux menstruel comme hypothèse de causes de la maladie

Fin des années 1950 : développement d’une pilule initialement pour traiter des symptômes de trouble des règles.

2009 : Théorie de G. Leyendecker avançant que des contractions excessives de l’utérus seraient la cause de l’apparition de cellules d’endométriose avec, en arrière-plan, des réponses hormonales complexes.

2020 : Ajout en France au programme des facultés de médecine 2h de cours sur l’endométriose

Le causes et la recherche
Les causes et la recherche

Aujourd’hui, l’origine et les causes de l’endométriose restent sans réponse. Plusieurs hypothèses ont été avancées au fil du temps mais aucune n’a, à ce jour, été prouvée irréfutablement.  

Deux hypothèses sont souvent mises en avant et restent les plus connues : la théorie de John Sampson, formulée en 1927, sur le reflux du liquide menstruel par les trompes et la théorie de G. Leyendecker en 2009 sur la contractilité excessive de l’utérus et les réponses hormonales. 

 

L’endométriose est une maladie complexe qui prend des formes très variées. L’hypothèse souvent évoquée est celle de l’implantation de matériel utérin provenant de menstruations rétrogrades (Sampson, 1927?). Néanmoins, alors que les cliniciens estiment que 90% des femmes présentent des saignements rétrogrades, seules 10% développent des lésions d’endométriose.

Des facteurs de susceptibilité individuelle doivent donc intervenir dans le développement de cette maladie. Ces facteurs pourraient être immunitaires, génétiques, environnementaux ou liés au développement tumoral.

La recherche avance ces dernières années mais malheureusement encore à un rythme très lent (manque d’intérêt pour l’endométriose, manque d’équipes spécialisées, absence de financements conséquents, puissance des lobbys, manque de consensus chez les spécialistes…).

 

Si rien n’a aujourd’hui donné complète satisfaction dans la compréhension de l’endométriose, la recherche apporte néanmoins des pistes très intéressantes à explorer :

1 – La piste immunitaire

De nombreux marqueurs de l’inflammation et des maladies auto-immunes sont retrouvés chez les femmes atteintes d’endométriose. Les mécanismes de l’inflammation semblent être impliqués dans les processus de fibroses ou adhérences associées à l’endométriose, douleurs chroniques mais également l’infertilité et le développement même de la maladie avec un rôle sur la prolifération des cellules endométriosiques.

Par ailleurs, les témoignages sont assez nombreux de femmes atteintes d’endométriose qui découvrent au cours de leurs parcours qu’elles sont également atteintes d’une maladie auto- immune. On retrouverait davantage de lupus, polyarthrites rhumatoïdes, syndromes de Goujerot, hypothyroïdie, lymphomes non hodgkiniens, sclérose en plaques, asthme ou allergies diverses chez ces femmes.

Les colopathies fonctionnelles ou la fibromyalgie sont également présentes dans des proportions importantes. De manière très intéressante, le Dr Marina Kvaskoff, épidémiologiste à l’Inserm, a mis en évidence que les femmes atteintes d’endométriose pourraient être des populations à risque pour d’autres maladies chroniques suggérant que l’endométriose est une maladie dite gynécologique mais avec des possibles dérèglements au niveau plus général de la physiologie de l’organisme. (Hum Reprod Update. 2015 Endometriosis: a high-risk population for major chronic diseases?).

Plus de recherche est nécessaire pour comprendre les liens entre troubles du système immunitaire et endométriose.

2 – La piste sur le développement tumoral

De nombreux aspects sont communs entre le processus de développement tumoral et l’endométriose. Les cellules des tissus extraits des lésions d’endométriose ont leur propriété proliférative modifiée. Il est observé, sur les kystes, nodules ou lésions, une prolifération des vaisseaux environnants de façon similaire à des processus tumoraux.

Des travaux très récents suggèrent également une possible implication des cellules souches dans les mécanismes de développement des cellules de l’endomètre en dehors de la cavité utérine. La présence de métalloprotéases (MMP) impliquées dans la dissémination des cellules cancéreuses et la formation des métastases semblent également avoir un rôle dans le développement de l’endométriose.

Certains marqueurs tumoraux du cancer de l’ovaire comme le CA125 sont d’ailleurs parfois utilisés mais ne sont en rien spécifiques de l’endométriose, et absolument pas fiables pour le diagnostic de l’endométriose.

Il est urgent d’identifier des biomarqueurs spécifiques pour développer un diagnostic précoce et fiable de la maladie.

ENDOmind a soutenu un projet de recherche pour la recherche de Biomarqueurs de l’Endométriose par des approches de protéomique et de génomique intégrative qui a fait l’objet de la thèse de Loren Méarco dirigée par Pr François Vialard et Dr Charles Pineau (Équipes Unité Gamète Implantation Gestation (Montigny le Bretonneux) ; Protim (IRSET, Inserm U1085) (Rennes)).

3 – La piste génétique​

Plusieurs études génomiques ont mis en évidence un profil de gènes spécifiques et des variations de leurs copies ou expressions pour les patientes atteintes d’endométriose. Un profil génétique particulier a également pu être associé avec les niveaux de sévérité de la maladie.

A nouveau, les gènes impliqués semblent être des récepteurs aux œstrogènes ou être impliqués dans les voies de la réponse inflammatoire ou lors de processus cancéreux.

Il existe d’ailleurs des endométrioses familiales. Le risque de développer une endométriose est augmenté lorsque la mère ou la sœur par exemple sont également atteintes. Certains établissements de santé mettent en place, depuis plusieurs années, des recherches à ce sujet. Leurs résultats semblent suggérer que c’est une combinaison de facteurs à la fois génétiques et des conditions environnementales propres à chacune qui sont impliqués dans la susceptibilité à développer la maladie.

Des recherches sont aussi en cours dans différents pays du monde afin de mettre au point des tests rapides de dépistage génétiques, ainsi que la compréhension des dérèglements génétiques impliqués dans le développement de la maladie. ENDOmind soutient un projet de recherche pour l’Identification de Facteurs Génétiques de prédisposition à l’Endométriose par Séquençages Haut Débit mené par le Service de gynécologie et service de génétique médicale du CHU de Nantes et dirigés par le Dr Stéphane Ploteau (chirurgien gynécologue) et le Dr Bertrand Isidor (généticien). En savoir plus ici

4 – La piste environnementale

Les perturbateurs endocriniens sont de plus en plus mentionnés comme des causes potentielles à l’endométriose. Les perturbateurs endocriniens peuvent être présents dans de nombreux composés : les plastiques, les détergents, cosmétiques, polluants, pesticides.

Les molécules dont on a le plus entendu parlé sont le bisphénol A, paraben, phtalates, le distilbène, les dioxines mais il en existe beaucoup d’autres. Ces molécules peuvent mimer les œstrogènes et ainsi perturber leur action en se substituant aux hormones naturelles dans les mécanismes qu’elles contrôlent, mais aussi en se liant aux récepteurs des hormones naturelles, ou en modifiant leur production.

Plusieurs de ces composés (paraben, phtalate, distilbène) ont des effets prouvés sur la puberté, utérus, fertilité, cycle, et suspectés sur l’endométriose.

Nous sommes malheureusement tous pollués ! Plusieurs études fiables montrent la présence de ces composés dans nos fluides. Leur recherche est très complexe car de très nombreux composés sont présents dans notre environnement et il faut reproduire le mélange de ceux auxquels les personnes ont été exposés pour comprendre et identifier leur toxicité.

Malheureusement une faible dose avec une exposition très longue semble pouvoir entraîner des problèmes de santé.

Dans les années 70, le distilbène a été prescrit pour prévenir les fausses couches durant la grossesse. Ce médicament a entraîné l’altération des organes reproducteurs (cancers, stérilité) des femmes nées de mères qui avaient pris du distilbène. Depuis, il apparaît que les enfants nés de cette génération exposée in utero, ont, eux aussi, un sur-risque de pathologies gynécologiques.

Le cas du distilbène illustre une autre complexité de ces composés : les expositions peuvent être multiples : in utéro, mais les effets peuvent être également trans-générationnels. Tous ces aspects rendent très difficile la recherche sur ces composés et il reste beaucoup à faire pour comprendre leur rôle dans le développement de l’endométriose.

Pour aller plus loin :

– Article publié par Elsevier “Endométriose dans tous les sens, Epidémiologie de l’Endométriose”, par le Dr Erick Petit, cliquer ici (à noter que le travail de l’association est référencé dans cet article scientifique)

– Dossier de l’Inserm sur l’endométiose, cliquez ici 

– Dossier de l’Inserm sur les perturbateurs endocriniens, cliquez ici

– Marina Kvaskoff  a participé à une vidéo d’information et sensibilisation à la maladie avec l’INSERM et souvent repris dans les médias, ici dans Le Monde

Voici plusieurs exemples d’équipes de recherche françaises travaillant sur différents aspects de l’endométriose : l’amélioration de sa prise en charge ou diagnostic, mais aussi les mécanismes impliqués dans son développement.

Liste non exhaustive par ordre alphabétique :

* AP-HP - ComPaRe Endométriose – L’association ENDOmind est à l’initiative des discussions engagées avec l’équipe de ComPaRe pour la création d’une cohorte spécifique à cette pathologie en décembre 2017. La cohorte voit le jour en novembre 2018, avec l’implication de différents professionnels de santé impliqués dans la prise en charge de l’endométriose, des associations de patientes, des patientes, et 1ère étude d’envergure en France : “L’objectif de l’étude ComPaRe Endométriose est de rassembler 5000 patientes partout en France, en métropole comme en outre-mer, pour disposer d’une très grande diversité de profils. La masse des données collectées auprès des patientes permettra à l’équipe scientifique, dirigée par Marina Kvaskoff, chercheuse épidémiologiste à l’INSERM, d’étudier l’évolution naturelle de la maladie et les facteurs qui influencent cette évolution. L’objectif, à long terme, de ces recherches est de mieux comprendre la maladie, d’identifier ses différentes formes et si possible ses causes, et d’étudier son impact sur la qualité de vie et le quotidien des patientes.

* L’équipe du Pr Canis (CHU-Clermont Ferrand) travaille  à de nouvelles méthodes de diagnostics, basées sur la présence de biomarqueurs caractéristiques de la maladie.

Plus d’information ici

* L’équipe du Pr Chapron à L’institut Cochin (Paris)  travaille sur de nombreux aspects de la maladie. L’équipe a par exemple mis récemment en évidence le rôle du stress oxydatif dans son développement (voir ici) ou le lien entre l’endométriose et un risque accru de fausses couches (voir ici)

* L’équipe du le Pr Collinet P. (Hôpital Jeanne de Flandre-Lille) travaille pour le développement de différentes techniques d’imagerie et méthodes chirurgicales pour la prise en charge de l’endométriose. (Références : [Partial cystectomy for bladder endometriosis: Robotic assisted laparoscopy versus standard laparoscopy]. le Carpentier M, Merlot B, Bot Robin V, Rubod C, Collinet P. Gynecol Obstet Fertil. 2016 ; Role of robotic surgery in the management of deep infiltrating endometriosis. Sussfeld J, Segaert A, Rubod C, Collinet P. Minerva Ginecol. 2016)

* L’équipe du Pr Daraï E. (UPMC-Hopital Tenon-Paris) travaille sur le développement de la prise en charge chirurgicale de la maladie et participe au développement de modèle murin pour l’étude de la maladie. (Références :Finding the balance between surgery and Medically Assisted Reproduction in women with deep endometriosis.Cohen J, Ballester M, Selleret L, Mathieu D’Argent E, Antoine JM, Chabbert-Buffet N, Darai E. Minerva Ginecol. 2016 ;Effect of induced peritoneal endometriosis on oocyte and embryo quality in a mouse model. Cohen J, Ziyyat A, Naoura I, Chabbert-Buffet N, Aractingi S, Darai E, Lefevre B. J Assist Reprod Genet. 2015)

* L’équipe du Dr Dubernard G (Hôpital de la Croix Rousse-Lyon) travaille également pour le développement de différentes techniques d’imagerie et méthodes chirurgicales pour la prise en charge de l’endométriose (Références :Correlation between three-dimensional rectosonography and magnetic resonance imaging in the diagnosis of rectosigmoid endometriosis: a preliminary study on the first fifty cases. Philip CA, Bisch C, Coulon A, de Saint-Hilaire P, Rudigoz RC, Dubernard G. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2015 ; Outcome of laparoscopic colorectal resection for endometriosis. Daraï E, Bazot M, Rouzier R, Houry S, Dubernard G. Curr Opin Obstet Gynecol. 2007)

* L’équipe du Dr Ploteau S (CHU Nantes) travaille sur un projet de recherche pour l’Identification de Facteurs Génétiques de prédisposition à l’Endométriose par Séquençages Haut Débit
Ce projet est soutenu et financé en partie par l’association ENDOmind et son partenaire Union Française des Clubs Soroptimist

* L’équipe du Pr Roman H (CHU Rouen puis Clinique Tivoli à Bordeaux) développe des nouvelles approches chirurgicales pour la prise en charge de la maladie et est très active pour informer et sensibiliser sur l’endométriose par de nombreuses actions et par exemple avec cette vidéo.

(Références : Long-term functional outcomes following colorectal resection versus shaving for rectal endometriosis.Roman H, Milles M, Vassilieff M, Resch B, Tuech JJ, Huet E, Darwish B, Abo C. Am J Obstet Gynecol. 2016 ; Surgical treatment of deep infiltrating rectal endometriosis: in favor of less aggressive surgery. Darwish B, Roman H. Am J Obstet Gynecol. 2016 )

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